Pourquoi dépenser une fortune en billet d’avion à la recherche de bords de mer exotiques, finalement jonchés des sempiternels touristes interchangeables quand se niche, tout près, la plus belle plage du monde. Avec sable fin – ça va sans dire –, mais surtout une vue imprenable sur les côtes artistiques les plus sauvages et les falaises circassiennes les plus vertigineuses. Sur cette baie-là, on ne vend pas de churros ramollis par la chaleur, mais des expériences sensorielles et visuelles goûteuses.

Chaque été, les quais de l’Escaut se transforment en riviera branchée, avec zomerbar, pétanque, couchers de soleil mués en spectacles, films en plein air, et un défilé de chapiteaux venus des quatre coins du monde avec du cirque de haut vol. Il y aura, par exemple, Chills de Phare Ponleu Selpak, une troupe née en 1994 dans un camp de réfugiés cambodgiens à la frontière thaïlandaise et qui défend, depuis, le cirque comme vecteur d’émancipation pour les jeunes de la région, mais aussi Boulevard Conakry, de l’acrobatie africaine inspirée du joyeux tumulte d’un marché au centre de la capitale de la Guinée.

Plus proche de nous, le Zomer programme Matamore de Trottola et du Petit Cirque Baraque, un spectacle français qui vous plonge dans la fosse aux lions. Gare aux griffes ! Ce n’est pas parce que toute créature à fourrure est bannie de l’arène qu’il ne faut pas craindre d’assister à quelques démonstrations cruelles, d’y laisser un ongle sous la lanière cuisante d’un fouet ou de perdre un doigt dans la gueule d’un fauve avide. Dans ce vivarium baroque s’animent des saltimbanques désarticulés, des clowns errants à la Tadeusz Kantor, des nains monty pythonesques, des chiens en tutu, un jongleur de pistolets qui se la pète, de burlesques portés aériens et tout ce qui peut tordre notre imaginaire collectif sur le cirque traditionnel. Cette fosse artisanale porte la patine du cirque, ses paillettes fatiguées et ses godasses usées, aussi bien que sa poésie bohémienne et sa fougue inépuisable.

Le nouveau spectacle de Laika

Hormis le cirque international, le Zomer s’est aussi fait une spécialité du spectacle hors cadre – sensoriel, interactif, itinérant, propre à vous faire perdre complètement la boussole. Avec Le labyrinthe du Docteur Adams, notamment, vous déambulez dans les ruelles d’Anvers sur la piste d’inventions étonnantes. Vous pourrez aussi découvrirShe is my sister, spectacle de théâtre et de danse dans une forêt. Quant au bien nommé Teatro de los sentidos (Théâtre des sens), il vous entraîne dans un voyage sensoriel dont le fil conducteur est le vin : vous pénétrez dans une salle obscure, vous vous laissez guider par vos sens et vous trinquez à la vie avec les acteurs.

Mais le spectacle qu’on attend le plus, c’est Piknik Horrifik de la compagnie Laika, alléchée que nous avons été par leur précédent Aromagic. On y apprenait à reconnaître les quatre goûts primaires (sucré, salé, acide et amer) plus un cinquième, le fameux umami japonais (qui signifie « savoureux »). On y révisait comment fonctionnent les papilles gustatives, et comment le goût se vit aussi avec les yeux, le nez et même les oreilles Le tout agrémenté d’improvisations culinaires et de dégustations philosophiques. Un régal ! Cette fois, Laika revient avec un « pique-nique apocalyptique » : un lieu abandonné se transforme en oasis, variante contemporaine du Jardin des délices de Jérôme Bosch. Au fil d’un repas végétarien, vous croisez des personnages grotesques et des images surréalistes dans un spectacle très physique qui oscille entre le paradis de la gastronomie et l’enfer de la production alimentaire de masse.

Du 15 juin au 31 août à Anvers.